Le choix du mode de gestion de l’eau potable dans une ville, un village ou un territoire aurait toutes ses chances de n’être qu’un sujet technique, dépolitisé, relevant de la seule rationalité instrumentale du discours technico-économique. Pourtant, si l’on engage à son propos un travail d’enquête dont l’objectif est d’en faire un élément stratégique de la constitution d’un commun, notre regard peut changer radicalement. Ce fut la démarche d’un collectif d’usagers dans le territoire Ouche et Montagne en Côte-d’Or (21) que nous mettons ici en lumière en tant qu’observateur impliqué. Par ce récit, nous cherchons à montrer que si l’eau peut se constituer en commun inaliénable et inappropriable pour être définitivement sortie du spectre de la marchandise, c’est dans sa mise en politique par le bas, par ses usagers, par la construction d’un rapport communal à l’eau, et non depuis ses abstractions dépolitisantes que nous propose le débat politique traditionnel. Et cette reconquête des communs est nécessairement transformatrice, de notre rapport au politique et de notre rapport au savoir. Pour le premier, nous témoignons de la puissance d’une repolitisation concrète et située de la question de l’eau, non polarisée et non déterminée théoriquement de façon aprioriste. Pour le second, nous comprenons que la constitution d’un commun passe par la rencontre entre territoire et savoir. Et plus précisément, par la création d’un savoir populaire critique sur nos infrastructures (eau, électricité, foncier agricole, production et distribution alimentaire…), ces infrastructures qui dessinent et organisent nos territoires et conditionnent en partie les possibles que nous pouvons y projeter, savoirs qui deviennent des bords du politique nourrissant tant les mobilisations que les alternatives territorialisées.

 

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Léo Coutellec, « L’eau aux bords du politique »In Situ. Au regard des sciences sociales [En ligne],  | 2021, mis en ligne le 29 mars 2021, consulté le 06 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/insituarss/826 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insituarss.826

 

Légende : Avant l’eau courante aux robinets des logements, les fontaines publiques étaient des lieux indispensables pour répondre aux divers besoins vitaux liés à l’eau. Elles restent aujourd’hui le symbole d’une eau gratuite et accessible sans conditions, la marque du caractère vital mais aussi social de l’eau qui rassemble. La ville de Paris compte 1200 fontaines d’eau potables accessibles et gratuites, des « fontaines à boire ». Paradoxalement, dans les villages de France, sous l’effet d’une réglementation contraignante (obligation de comptage, redevance pour prélèvement, etc.) et parfois du fait d’une absence de volonté politique, les fontaines ont tendance à perdre leur accessibilité. The Garden Tap, William Russell Flint (1880-1969), aquarelle conservée au château de Saint-Privat.

© William Russell Flint, Christie’s Images / Bridgeman Images.