Chers croqueurs de quignons et autres amis de la nature, à vous qui suivez les aventures de l’alternatives-agriculturelles, voici quelques lignes au sujet des semailles de printemps (de collection)!

C’est à la toute fin du mois de mars qu’une joyeuse équipe s’est réunie, sans doute un peu naïve, mais motivée, sur l’unique parcelle de blé cultivée en bio du canton : la ZB71!

Naïve disais-je… oui, parce que pour tout vous dire, tel l’outsider de la vallée, « el campesino sin terra », et n’aimant pas faire comme les autres, et encore moins suivre le modèle dominant, je suis le seul de la vallée de l’ouche à avoir semé du blé de printemps! Mais ça, mes ptits copains ne le savaient pas avant de venir 🙂 Les derniers blés de printemps ont été récoltés il y a 50 ans à Mâlain (Paroles d’ancien). C’est dire si c’est has been…(vous avez donc compris la dimension judéo-chrétienne du titre)

Enfin rien de quoi entraver mon émerveillement à l’idée de voir sortir tout ça de terre. Alors bon, pour ceux qui s’inquiètent de la santé financière de ma petite entreprise (qui ne connait pas la crise, eh oui 4e fournée à partir de début mai!!) rien de quoi alourdir mes charges fixes et encore moins mon résultat d’exercice, nous avons semé 2 kg….sur environ 200 m². Non, l’idée est d’expérimenter, encore et encore…et puis poursuivre le travail des gens qui m’en ont fait don et que je puisse en faire autant un jour. L’objectif étant toujours le même, observer avec attention les variétés qui se plaisent dans la région pour les resemer plus tard. Sans doute que les plus intéressantes seront transmises ensuite à l’association Graines de Noé, dont je suis administrateur depuis peu. Et puis l’objectif parallèle, celui qui sous-tend toutes les activités de l’Alternatives-Agriculturelles, c’est de co-construire ce lien entre les producteurs (artisans ou paysans) et leur consommateurs, et ce souvent dans un esprit de franche camaraderie, voyez plutôt!

Passé ce moment bucolique, il a fallu clôturer, car pas question de me faire grignoter mon grain cette fois-ci! HELIOS et PETIT ROUGE DU MORVAN sont maintenant 6 doigts sous terre.

[Pause casse-croûte]

J’avais prévu une petite opération de binage de ma parcelle de collection de blé d’hiver mais le temps menaçant nous a fait changer nos plans.

En revanche, une activité bien prévue dans le planning a pu être entreprise: la reconnaissance des plantes bio-indicatrice de ma parcelle de blé d’hiver. La finalité étant de les analyser afin de comprendre le fonctionnement du sol sur lequel il pousse.

Cette méthode a été développée notamment par le botaniste Gérard Ducerf, via l’encyclopédie des plantes bio-indicatrices (volume 1, 2 et 3). Voyez un peu ce qui pousse dans mon blé :

Organisés que nous étions, il a d’abord fallu mener un travail d’enquête, d’inventaire plus exactement. Nous avons évolué par petit groupe à travers toute la parcelle pour identifier toutes les plantes compagnes (=nom plus approprié que certains appellent adventices ou encore mieux mauvaises herbes) du blé. Nous en avons distingué 29 espèces. A noter que toutes les poacées (ex-graminées) ne sont facilement identifiables que plus tard dans la saison. il est d’ailleurs recommandé de mener cette action à 3 reprises dans l’année (printemps, été, automne).

Et sur les 29 plantes détectées, nous avons réussi tout de même à en identifier 23, ce qui de mon point de vue est très honorable. Il faut dire que j’avais convié à cette journée une pointure en la personne de Claude Soutenet (ex-Baum’Plantes), bien supplé par Jeff, Odile et Florence. Ce fut donc la 2e étape, après ce travail de collecte le plus exhaustif possible, tout reconnaître!!! 🙂 et voilà à quoi cela ressemblait :

La dernière étape nous invite une fois de plus à revenir dans la parcelle pour déterminer un taux de recouvrement des plantes. Car oui, une plante n’est indicatrice d’un milieu que si elle y est représentée de manière quantifiable (sur la base de la surface de son ombre portée au soleil de midi…) il était 17h, et il y avait des nuages…bref! Nous avons donc choisi une zone à l’intérieur de laquelle nous avons formé un cercle. Nous avons ensuite listé à l’intérieur de ce cercle toutes les plantes de notre inventaire pour y déterminer un taux de recouvrement pour chacune d’entre-elles. Et globalement à part quelques espèces, la majorité y sont faiblement représentés. Me laissant dire que le blé y est bien implanté et que par ailleurs le sol ne semble pas souffrir de grosse perturbation.

Une fois ce dernier travail effectué, il est temps de plier les gaules, tout ranger et finir l’activité à la maison, au chaud, en croisant les infos, remplissant des tableaux, un vrai travail d’ingénieurs-agro’ ! 🙂

Pour ceux qui s’intéressent au sujet, vous pouvez consulter les tableaux d’analyses que je met en ligne, à la suite des conclusions:

-Sol à plutôt faible capacité de rétention en eau et éléments fertilisants a priori en raison des carences en limons et humus.
=>Il faudra à mon avis restituer une partie des pailles et ne pas faire une coupe rase à la moisson (ça tombe bien mes blés peuvent monter jusqu’à 1,70m!!)

Sol riche en bases actives (Potassium K, Magnésium Mg et Calcium Ca) avec un pH>7 (à compléter par un test pH).
=>Cela peut avoir une incidence sur le choix du porte-greffe en viticulture pour les copains qui vont me succéder. La présence de calcaire actif peut induire, dans certains sols pauvres en fer libre, un risque de chlorose ferrique. Il pourrait être utile de doser la teneur en fer ce qui permettrait de calculer l’indice de pouvoir chlorosant.

-Sol riche à excédentaire en matière organique d’origine végétale, voire en matière organique archaïque évoluant vers la fossilisation (C/N>20).
=>
Ces sols ont besoin de produire!! sans quoi, on se dirige vers de la forêt. L’interculture d’engrais vert peut être une solution pour abaisser le rapport C/N.

nota_plantes_bio_indicatrices
Tableau Plantes bio-indicatrices

 

Et voilà qu’après quasiment 3 semaines de pluie, les blés de printemps ont décidé de sortir. N’hésitez pas à leur rendre visite. Ne vous inquiétez pas, pour l’instant, il y a plus de luzerne (trop dur à arracher) que de blé!

Pour finir, merci à la joyeuse équipe de téméraire (Lilou, Jeff, Léo, Florence, Odile, Daniel, Thézie et son mari, Yvon, Claude, Mélodie et Victor)

PS: un ptit bonus pour ceux qui sont allés jusqu’au bout:
https://www.facebook.com/950809435034093/videos/956842727764097/?l=8450835165279264741