Ecolo’Clit – 28 mai 2022
Comment le concept est-il né ?
Théodora Barreau Potier, Sandra Gaudillère et moi-même nous sommes rencontrées dans le cadre de la campagne pour les élections régionales 2021 en Bourgogne Franche Comté. Nous avons observé des différences entre les discours féministes et inclusifs, et les actes. Quelques mois plus tard, nous décidions de créer ensemble Les Clitorines, pour réfléchir à rendre la société plus juste, plus tolérante et plus inclusive.
Militer de façon optimiste a ensuite été notre fil rouge. Nous avons toutes et tous des occupations multiples et si on veut s’engager, il faut apprendre à en tenir compte.
Sans moyens, toustes avec une profonde volonté de changer la société, chacun·e est arrivé·e avec ses compétences, ses savoir-faire.
Ecolo’Clit, c’est une micro société inclusive. Mais, qu’est ce que c’est ?
Un lien est établi entre la domination masculine exercée sur les femmes, les minorités de genre, les personnes neuroatypiques, les personnes LGBTQIAP+, les personnes racisées et celle exercée sur la nature. La domination patriarcale et la domination capitaliste imposent un conditionnement social et des injonctions.
Une norme existe : l’hétéronormativité. L’homme blanc hétérosexuel (homme cis hétéro blanc) a beaucoup plus de chances d’évoluer, de s’insérer partout et toutes les portes s’ouvrent devant lui. Le couple hétérosexuel avec enfants correspond à cette norme. Toute personne sortant de ce cadre est différente et l’insertion sociale et professionnelle est tout de suite plus compliquée. La société fait pression, par ses injonctions, pour que la personne rentre dans le rang afin qu’elle ne dérange pas l’équilibre !
La société inclusive est une société dans laquelle chacun·e peut se montrer et être tel·le qu’iel est. Parler d’identité (de toutes les identités qui nous constituent), d’identités de genre, d’expression de genre, d’orientations sexuelles, de schéma relationnel et familial, de handicap, de neuroatypie, ne sera plus un tabou. En somme une société où la différence, les différences, ne sont pas un tabou, où chacun et chacune est libre de s’auto-définir, d’évoluer, de se tromper.
Et alors, Ecolo’Clit, c’est quoi exactement ?
Par sa philosophie, le Chauffe Savates à Mâlain (à 25 minutes de Dijon) a semblé tout à fait approprié pour accueillir la première édition de l’ Écolo’Clit. Le lieu est présenté ainsi par l’association RISOMES : « Le café est installé au cœur d’un lieu d’activités agricoles et artisanales (fournil paysan, brasserie bio, jardin-potager, élevage ovin laitier et transformation fromagère…) et citoyennes (rucher citoyen, université populaire…). Dans cet environnement, le café sera à la fois un lieu support pour accueillir des rencontres autour de ces projets, un lieu d’émulation pour réfléchir à ces initiatives mais aussi un lieu d’ouverture pour les faire connaître et partager largement. »
J’ai rencontré les différents partenaires, organisé la journée et échangé sur les différents contenus. Théodora a réalisé tous les visuels et organisé la campagne de communication. Sandra a supervisé l’événement le jour même.
Puis l’équipe de départ des Clitorines s’est étoffée avec toutes les intervenantes :
Tiffany Kleinbeck a animé un atelier artistique pour les enfants puis elle a croqué différents moments de la journée.
Fanny Le Nen a tenu le stand de la librairie La fleur qui pousse à l’intérieur.
Nina Boulehouat, l’intervenante principale du Cri de la Plume, a animé un atelier philosophique.
Jennifer Langlois, brasseuse de La Roche Aigüe, a aidé à la logistique. Elle a fait visiter sa brasserie et l’épicerie coopérative La Tourniquette, puis échangé sur comment consommer et produire différemment.
Pauline Tylinski, notre attachée presse et photographe, a réalisé un reportage photos de cette première édition d’Ecolo’Clit.
Camille Pautrat, fondatrice du podcast « La Voix des invisibles« , a enregistré des ateliers et des réactions tout au long de la journée.
Cécile Ropiteaux, membre d’Attac et de la LDH, a animé 2 ateliers, un sur l’éducation des filles et des garçons, un autre sur le livre Le féminisme pour changer la société (sous la direction de Christiane Marty).
Géraldine Revy et Théodora Barreau Potier, Nous Toutes 39 et Osez le Féminisme 39, ont mené un atelier sur les violences sexistes et sexuelles.
Théodora Barreau Potier a animé “comment vivre une sexualité en dehors des injonctions”.
Tout l’après-midi, les ateliers se sont succédé et ont permis de faire émerger collectivement différentes analyses. Ces analyses sont des propos rapportés liés à la vie des personnes présentes, elles contribuent à briser les tabous et à prendre conscience des injonctions sur nos vies.
Je vais vous présenter le contenu des trois ateliers que j’ai menés, en vous partageant les impressions et ressentis des participant·es.
Comment faire vivre la liberté d’expression?
Le groupe a théorisé le fait que la société a évolué mais que les mentalités et les institutions ne se sont pas adaptées.
« L’information va beaucoup plus vite, les jeunes sont de plus en plus informé·es“ mais “l’Éducation nationale a démissionné et ne sait pas s’adapter aux problématiques actuelles”.
“Le système de verticalité est toujours en place”, une nostalgie du “c’était mieux avant” reste. “La loi est nécessaire, elle permet d’encadrer et de freiner certains comportements.”
Le rôle des médias pose question. Le métier de journaliste évolue et le journalisme d’investigation n’est plus au goût du jour. “Les médias appartiennent à des milliardaires, en particulier d’extrême droite.” “Le but de ces médias n’est pas d’informer mais de faire de l’audimat et du profit”. “Les idéologies posent problème, elles empêchent le débat”. “Il devient très difficile de se convaincre mutuellement”.
Il existe des solutions pour que la liberté d’expression soit efficace. L’école est un levier pour éduquer et ouvrir les esprits, apprendre à se construire une opinion, à vérifier des informations, à débattre. Le service public de l’information sert à informer, à instruire et à se construire une opinion sur des sujets de société.
Il est incontournable de retrouver la responsabilité individuelle, du journalisme et du professionnalisme afin de redonner du sens à la démocratie.
Qu’est ce que la charge mentale ?
La charge mentale n’est pas la répartition des tâches à la maison, c’est le fait de penser à faire ces tâches, d’anticiper le quotidien. C’est quelque chose d’incompressible.
Elle explose avec l’arrivée des enfants. “Les enfants amènent un besoin d’anticiper, et un déséquilibre se crée. On se met beaucoup de pression sur l’éducation des enfants”.
Certaines femmes présentes dans le groupe ressentent personnellement que “la personne qui porte les enfants porte la charge mentale”.
Une autre vit la situation ainsi : “ La charge mentale dépend du travail, si tu travailles plus que l’autre, tu en fais moins à la maison”. “Quand on a un enfant, on a des choix à faire”.
Nous avons fini par conclure que la charge mentale est créée par les injonctions, les attentes vis-à-vis de notre conjoint·e.
La solution est la communication. Lister les tâches ensemble et les déléguer, en partager la réalisation et faire confiance à l’autre.
Pour se libérer de la charge mentale, il faut accepter de lâcher-prise, de ne pas tout maîtriser ou que tout ne soit pas exactement fait comme on l’aimerait.
Quel est l’impact des violences sexistes et sexuelles et comment se reconstruire ?
Dans un petit groupe, nous avons pu parler de nos sexualités. “La sexualité relève de l’intime et je n’ai pas l’habitude d’en parler, je n’en parle jamais avec mes amies”.
Nous avons là un des principaux problèmes, considérer la sexualité comme un tabou. On ne sait pas si ce qu’on vit est normal, est bien, nous fait du bien puisque sans éléments de comparaison.
Mesurer l’impact des violences implique une prise de conscience. La violence n’est pas forcément consciente. Certaines femmes n’ont pas de sexualité épanouie, elles ne se connaissent pas, et elles n’en parlent pas.
“Pour en parler, j’ai besoin de temps, de faire confiance à une personne.”
A l’inverse, “ j’ai pris conscience que ma sexualité n’était pas épanouissante avec mes conjoints mais je suis restée dans mes relations. Lorsque je me suis séparée, je me suis réappropriée ma sexualité avec des choix assumés. J’aime le sexe et je le dissocie des sentiments.”
“Je ne me suis jamais dit que je pouvais me masturber, par contre je demandais aux garçons si eux le faisaient.”
Un des hommes présents a répondu à cette dernière remarque que lors de leur première relation sexuelle, les garçons étaient dans la performance, basée sur la pénétration. Ils n’avaient aucune conscience du plaisir féminin et d’autres formes de sexualité.
En plus, entre eux, “la sexualité était taboue, on n’en parlait pas, on se vantait juste.”
Libérer la parole sur le plaisir que l’on prend, les choix que l’on fait, sur nos sexualités et bien se connaître, savoir ce qu’on aime et ce qu’on veut est fondamental pour ne pas être dépossédé·e de notre sexualité.
Et pendant que les adultes échangeaient, débattaient, les enfants étaient gérés dans des ateliers, dans lesquels ils ont aussi pu faire entendre leur voix et leur avis, et se sont organisés collectivement. Que les adultes en prennent de la graine !
Ecolo’Clit aura lieu de nouveau l’année prochaine. D’ici là, une exposition des photos de Pauline Tylinski, des dessins de Tiffany Kleinbeck accompagnés des podcasts de Camille Pautrat verra bientôt le jour…
Retrouvez les Clitorines le deuxième mardi de chaque mois au Social Bar à Dijon !
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Pauline Ternon