Je voudrais aborder un sujet avec vous en ces temps rendus difficiles par tant d’incuries et d’imprévoyances aux nombreuses conséquences sur nos habitudes et nos comportements et l’avenir des populations.

On a vu que les impréparations en matière de sécurité sanitaire ont causé de nombreux décès et de contaminations à la population, que l’accès à la nourriture a été rendu compliqué et quasi exclusif à l’avantage de la grande distribution. Nous avons découvert la dépendance des filières d’approvisionnement sous forme de perfusions permanentes de camions navettes  déstabilisant nos repères dans notre façon de nous alimenter. Cela devient un problème d’autonomie, de confiance et de responsabilité vis à vis des générations à venir.

Le sujet dont je vais vous exposer les grandes lignes regroupe plusieurs niveaux d’entrées et propose des solutions à portée de mains en reconsidérant nos approches du vivant et de notre rapport au monde.

Il y a à notre disposition environ 7000 espèces et variétés comestibles pour la consommation humaine selon la FAO en comparaison des quelques dizaines imposées par sélection quasi industrielle par l’agro-alimentaire chimique mondial. Nous subissons par conséquence un appauvrissement nutritif global causant en partie des maladies, des dégénérescences et des allergies nouvelles.

Cette mise en danger de la santé humaine et animale se double de risques de ruptures de chaînes nous fournissant ces produits selon des conditions parfois imprévisibles, de baisses de productivité en fonction des aléas climatiques. A ceci s’ajoutent le manque total d’autonomie politique des territoires livrant cette dépendance à tout risque de conflits dus à des insuffisances d’approvisionnements.

Il existe des lieux dans le monde entier qui nous montrent une voie vertueuse, résiliente et en accord avec les ressources locales compilant l’agroforesterie et la permaculture.

Ces endroits autonomes, riches d’espèces végétales diversifiées et des expériences des personnes qui portent le projet portent différents noms : le jardin-forêt, la forêt nourricière, la forêt jardinée..qui présentent des rendements à l’hectare bien supérieurs à de nombreuses solutions a

Ce concept issu de l’observation des habitudes encore existantes des peuples dits premiers ou tout du moins leurs héritiers pour se nourrir. Les ressources vivrières trouvées en forêt de ces peuples dits primitifs leur ont permis de vivre correctement durant des milliers d’années sans excès de maladies ni de carences alimentaires notables.

J’ai eu la chance il y a environ deux ans, de rencontrer une personne qui a développé ce « concept » de forêt gourmande en Bourgogne sur 2,5 hectares. A l’origine un pré à vaches en Bresse, bien tassé et par endroits en fermentation suite aux pluies a servi de base de départ au projet.Ce site inspirant et son créateur Fabrice Desjours démontrent depuis 9 ans la pertinence de ce lieu écologique, voire presque primal qui bénéficie de 1000 espèces implantées pour nourrir l’Homme.

La Forêt Gourmande en Saône et Loire 21 route des Gautheys 71330 Diconne est ouverte au public et se visite en groupe sur rendez-vous et leur site internet www.laforetgourmande.fr fourmille d’informations sur le sujet. Cet exemple, parmi d’autres, présente un lieu dynamique et évolutif subissant jusque ce qu’il faut d’entretien de tailles et tontes des chemins. L’implantation judicieuse et adaptée des plantes, arbustes et arbres à productions comestibles ouvre de formidables perspectives non d’exploiter la forêt-jardin mais de bénéficier d’une très grande diversité de ressources nutritives.

Voir l’interview et le reportage de Fabrice Desjours et la visite du jardin-forêt à Diconne réalisé par Damien Dekarz

Les 7 strates d’occupation des sols permettent d’avoir à disposition depuis les couvre sols jusqu’au branches basses des arbres implantés de nombreuses variétés comestibles durant l’année.

On crée alors les conditions de la résilience alimentaire grâce à la multiplicité des aliments consommés crus ou cuits. La pérennité des différents milieux que l’on a choisi en fonction de paramètres physico-chimiques des sols est assurée au fur et à mesure des tontes, des tailles et des feuilles tombant au sol formant petit à petit de l’humus sur place.La problématique de l’approvisionnement en eau se résorbe au fur et à mesure de la montée en 3 dimensions des différentes espèces arbustives dites AFI pour Architecturales, Fertilisantes et Ingénieures. Elles contribuent bien sûr aussi à l’enrichissement du sol, son ameublissement, à la démultiplication des réseaux de mycorhizes et de la quantité de bactéries. Ces puits à carbone ainsi crées rapidement reproduisent alors une ambiance forestière propice aux champignons, évitent l’érosion, offrent de l’ombre, diminuent les effets du vent et tamponnent les écarts de température etc.. Les essences locales qui auront été implantées serviront d’ « hôtels » à auxiliaires et de fixateurs d’azote.

Les conditions sont réunies pour faire pousser tous types de plantes pour des salades, des thés, des infusions, et tant d’autres espèces très nutritives bref des repas équilibrés et complets.

La multiplicité des variétés récoltées assure santé, abondance et sécurité de pouvoir se nourrir localement en respect de l’écologie. Il est alors certain que se donner l’opportunité de varier les implantations de ces jardins-forêts nourriciers sur un territoire garantit un accès aux « stocks » sur pieds de manière originale et sûr. Selon l’évolution du projet et de son ampleur, il sera possible d’accueillir en clairière des cultures plus classiques protégées et nourries par les autres espèces et leurs hôtes auxiliaires leur assurant un meilleur apport en eau, nutriments en synergie et symbiose. Nous refondons alors sur un territoire un ou des lieux ressources sécurisés et accessibles parce ce que proches, abondants, variés, pérennes et finalement résilients.

Il est important de se doter de lieux vivants comme ceux-ci car ils assurent non seulement l’approvisionnement des populations mais aussi ils émergent comme des lieux d’apprentissage pour les adultes et les enfants. Ils constituent des endroits où l’on se ressource, se repose, se promène à l’abri d’espèces végétales nourricières pour le corps et l’esprit.

Les faunes et flores qui s’y implanteront naturellement contribueront à retrouver une biodiversité mise à mal depuis de trop nombreuses années sous les coups de boutoirs des apprentis-chimistes inféodés à l’argent et à la techno-structure mondiale.

On peut rêver – pourquoi pas ? – un rêve n’est qu’une idée en gestation ! –  de se replonger dans une forêt jardinée qui soit un lieu privilégié que l’on retrouve de village en village reconstruisant un territoire pour l’Humain et ses aspirations à la paix et aux échanges fructueux..

Risômes à Mâlain dispose de parcelles inutilisées pour l’instant et sans vocation particulière qui pourraient être dédiées à ce type de projet après étude. Il est nécessaire d’établir un état des lieux complet concernant les capacités des sols (analyse des Ph – plantes bio indicatrices présentes, ressources en eau etc..) et par la même fédérer un groupe de travail porteur de ce beau projet qui compléterait les initiatives en agriculture bio en cours.

J’ai compulsé différentes ressources sur des expériences réussies en Ecosse, au Japon, en Hollande , en France , au Québec ainsi qu’une littérature abondante ne serait-ce que le livre de Fabrice Desjours – https://shop.foretgourmande.fr/livres/21-jardins-forets-fabrice-desjours.html et d’autres sur cette thématique.

Pascal Lagneau.