A l’initiative du groupe Université Populaire et Buissonnière de l’association RISOMES, une visite de la maison bulle de Bernard Leclercq et Jacqueline Rogeon à Fleurey-sur-Ouche a été organisée le samedi 9 novembre. L’occasion de découvrir une expérimentation architecturale écologique.
C’est sous un soleil éclatant que le samedi 9 novembre 2019, Bernard et Jacqueline nous ont généreusement et aimablement accueilli dans la véranda de leur maison bulle avec un petit café. Nous étions 10, venus des villages alentours et de Fleurey-sur-Ouche, de RISOMES et de l’AMAP. Nous nous sommes séparés en deux groupes : Bernard nous présenta l’extérieur et Jacqueline l’intérieur. Lors de la permutation des groupes, une pause dans la maison était organisée pour nous projeter des photos de l’évolution du chantier ainsi que des explications historiques et techniques sur les maisons bulles. Nous avons fini notre visite par un petit goûter proposé par des adhérent(e)s de RISOMES.
On a donc découvert l’un des rares exemples de construction bioclimatique de type « maison bulle » qui existe dans la région. Jeune écologue dans les années 1970, Bernard Leclerc cherche une alternative aux constructions traditionnelles et découvre les recherches architecturales des maisons bulles. Après la visite de plusieurs réalisations avec Jacqueline, il fait le choix d’autoconstruire sa propre maison bulle sur le site d’une ancienne carrière à Fleurey-sur-Ouche. Commencée en 1982, elle sort de terre en 1984 et se présente comme un ensemble de plusieurs coques en voile de béton se fondant dans le paysage. Ses grandes baies vitrées au Sud et à l’Est laissent entrer la lumière et la chaleur l’hiver tandis que de grands arbres les protègent des canicules l’été. Ses faces nord et ouest sont enterrées pour permettre une isolation optimum. La terre isolée par différentes couches de matériaux emmagasine la chaleur l’été pour la restituer l’hiver, à raison d’un mètre par mois (en tout 6 mètres). A cette configuration vient s’ajouter une double ventilation de flux d’air chaud et d’air froid qui régule la température été comme hiver. Une maison bulle comme celle de Bernard Leclerc offre donc de remarquables performances énergétiques.
Cette architecture est conçue pour récupérer les eaux de pluie dans de vastes citernes enterrées devant la maison (15m3). La végétalisation du toit ne permet plus cependant d’utiliser cette eau dans la maison, aussi sert elle à arroser le jardin et à alimenter de petites mares qui favorisent la biodiversité et renforcent l’écosystème. Les eaux usées (séparées en eaux grises et eaux vannes) alimentent elles aussi des bassins qui, garnis de pouzzolane (roche très poreuse) et plantés de roseaux, permettent une propreté capable d’accueillir la vie. Les murets en pierres sèches, construits à partir des restes de la carrière, permettent également d’abriter de nombreux animaux tandis que les plantes autochtones côtoient une belle collection de bonzaïs.
L’intérieur de la maison est très lumineux grâce aux grandes baies vitrées, à des puits de lumière et à des hublots ouverts sur les façades sud et sud-est. Depuis trente ans, l’évolution de l’ensemble prouve sa durabilité et sa résistance.
Depuis les années 1980, ce type d’habitat a malheureusement connu un développement assez limité en France malgré la construction de nombreux logements. Si le béton projeté demande un équipement plus coûteux que celui du béton traditionnel, les matériaux sont cependant moins nombreux et pour un budget équivalent, la maison bulle propose des performances énergétiques assez remarquables en comparaison aux maisons traditionnelles. Les permis de construire ne sont cependant pas forcément faciles à obtenir ce qui peut freiner ce genre de projet. Cette trajectoire architecturale est pourtant très riche et elle permet d’imaginer des infrastructures et des formes d’habitats organiques. Sans être 100 % écologique, puisqu’elle utilise du béton et n’est donc pas résiliente, la maison bulle présente malgré tout de nombreux avantages permettant de répondre à certains défis contemporains: efficacité thermique, simplicité relative de la construction, auto-construction, prise en compte du milieu et intégration paysagère …
L’histoire des maisons bulles
Nées des recherches architecturales des années 1960, alors que le béton prenait son envol dans la construction, les maisons bulles cherchent à rompre avec les logiques de l’industrialisation de la construction qui dominaient à cette époque. Elles utilisent la technique en voile de béton pour réduire les déperditions d’énergie et simplifier les techniques de construction. La forme ronde permet en effet de réduire la surface à chauffer et les nouveaux matériaux comme le béton projeté, associé à un grillage en fer, permettent d’imaginer des structures rondes modulables à l’infini.
L’une des premières habitations en voile de béton est réalisée en 1959 par le suisse Pascal Haüsermann (1936-2011), alors étudiant en architecture. La mise en forme de la coque est faite directement avec le ferraillage sur lequel est attaché un grillage qui sert de coffrage perdu et retient la projection de micro-béton. Par la suite, l’architecte hongrois Antti Lovag va multiplier les réalisations, à l’image du palais bulles de Pierre Cardin à Théoule-sur-Mer ou de la maison Gaudet à Tourrettes-sur-Loup.
Deux tendances vont alors se développer: certains veulent réaliser une œuvre d’art et faire de leur maison une sculpture; les nécessités de l’usage se combinent alors avec une expression artistique, alors que pour d’autres, c’est la forme qui découle de la fonction. C’est un nouveau type de fonctionnalisme, débarrassé de l’utilitarisme orthogonal du début du XXe siècle. La diversité des usages doit générer une diversité de formes, comme chez les êtres vivants, d’où l’aspect écologique et organique de ce type de construction qui doit se fondre et interagir avec son environnement.
Au-delà des villas luxueuses aux horizons artistiques, les maisons bulles constituent en effet une des réponses possibles aux défis environnementaux dans la mesure où l’habitat constitue une des principales sources de pollutions et de déperdition énergétique.