Lettre ouverte à Laurent Streibig, Maire d’Echannay Ex-président de la communauté de communes Ouche & Montagne

Cher Monsieur,

A l’occasion du conseil communautaire de la Communauté de Communes Ouche & Montagne (CCOM) du 11 avril 2019, vous avez déposé un amendement proposant de ne pas valider une subvention destinée à notre association pour l’organisation de la deuxième édition du Festival Atout Bout d’Champ (24-25 août 2019 à Mâlain). Votre amendement a été approuvé par une majorité des délégués présents, contre l’avis des commissions vie associative et culture qui ont instruit dans le détail notre demande, documents et audition à l’appui.

Dans cette lettre ouverte, nous tenons à vous répondre car vos arguments ne sont pas seulement faux, ils sont aussi dangereux pour la vitalité de notre démocratie locale et pour la nécessaire transition écologique et sociale que nous devons mettre en œuvre tous ensemble sur notre territoire. Et c’est pour nous, une bonne occasion de vous expliquer ce que nous faisons vraiment, à défaut d’avoir eu la chance de répondre à vos questions en amont du dépôt de votre innommable amendement.

Vous déclarez que notre association a une démarche commerciale. Votre interprétation est fausse et nous serions curieux de connaître les faits qui vous ont permis de la formuler. RISOMES est une association à but non lucratif dont l’objet social, tel qu’inscrit dans ses statuts, est le suivant : « Le but de l’association est de réunir des personnes motivées et investies dans une structure dynamique, conçue comme une pépinière d’initiatives de la transition écologique et sociale. L’association mènera toute action en rapport avec cet objet social et en cohérence avec sa charte éthique dont les objectifs sont :

• Aider à la transition par des pratiques plus écologiques en développant et partageant nos savoirs et savoir-faire ;
• Fédérer des initiatives alternatives et agri-culturelles en s’appropriant et en mutualisant les moyens nécessaires à leur réalisation ;

• Développer les liens sociaux entre les habitants du territoire en créant un réseau local intergénérationnel de personnes s’inscrivant dans cette démarche ;
• Coopérer avec d’autres initiatives en lien avec nos valeurs ;
• Mettre en place des outils permettant une prise de décision collaborative dans la réalisation de nos actions. »

Vous mélangez tout, cher monsieur. RISOMES porte des projets associatifs, soutenus exclusivement par des bénévoles et toutes ses actions répondent à son objet social. Par ailleurs, RISOMES est inscrite dans une dynamique plus large et met en place des coopérations avec d’autres structures qui ont leur propre statut juridique et autonomie décisionnelle. Parmi celles- ci, nous trouvons d’autres associations, un Groupement Foncier Agricole (le GFA citoyen Champs Libres), des porteurs de projets agricoles ou artisanaux. Mais le but de notre association n’est pas de faire la promotion de quelques activités économiques particulières, quel contre-sens absurde !, son objectif est de promouvoir un changement de pratiques plus large dans la société, par la mise en place de solidarités, par l’échange d’idées, de savoirs et de pratiques, par l’expérimentation collective.

Le Festival Atout Bout d’Champ est à l’image de cette dynamique. Si vous aviez participé à sa première édition, vous auriez compris que notre festival est tout sauf une opération commerciale ! C’est une manifestation culturelle au sens fort du terme, autour des alternatives agricoles, alimentaires et écologiques. Les 1300 visiteurs de la première édition ont pu découvrir une vingtaine de structures qui oeuvrent dans ce secteur, ils ont pu écouter des conférences-débats d’une grande qualité, participer à des forums pour échanger des idées et des pratiques, prendre le plaisir de moments conviviaux autour de prestations musicales ou théâtrales, découvrir concrètement toute la vitalité des initiatives locales, qu’elles soient économiques ou pas, qui œuvrent dans le sens d’une transition écologique et sociale de notre territoire. La culture, c’est d’abord offrir la possibilité à chacun de s’émanciper de ses chaînes. Mais ça, visiblement, vous ne le comprenez pas.

Par ailleurs, sur un sujet très éloigné de l’objet de la subvention qui est l’organisation d’un festival, vous convoquez un autre argument, nauséabond, insinuant que notre engagement dans l’organisation de solidarités pour l’accueil de mineurs isolés dans l’attente d’une prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) – que vous appelez des migrants – ne correspondrait pas à la vision attendue d’une animation territoriale, accusant la nôtre d’être de type « métapolitique ». Nous touchons là un niveau très bas du nécessaire débat politique. Que vous ayez des convictions politiques personnelles sur le sujet, c’est votre liberté mais que vous cherchiez à créer de la confusion, autour de ce sujet, parmi les délégués communautaires sur la nature de notre projet associatif n’est pas acceptable. Nous assumons pleinement et plus que jamais notre action dans ce domaine, nous en faisons un devoir d’humanité, de fraternité, une œuvre d’intérêt général face à la défaillance des autorités publiques. Et nous défendons l’idée que notre territoire sera riche de ces solidarités réelles dans un contexte économique, écologique et politique très instable.

Dans votre amendement, Mr Streibig, il n’y a aucune bonne raison qui peut justifier un veto sur l’attribution d’une subvention à notre association pour l’organisation de son festival. Alors, nous comprenons que votre démarche est avant tout politique mais d’une conception de la politique que nous rejetons radicalement. Cette politique politicienne et revancharde qui a tellement dégoûté nos concitoyens de s’engager pour la gestion des biens communs. Cette politique de courtes vues tellement éloignée des immenses enjeux écologiques et sociaux de notre temps.

Si nous ne sommes absolument pas dépendants des subventions, nous croyons important que l’argent public puisse aussi soutenir des actions comme les nôtres, raison pour laquelle nous allons étudier toutes les possibilités de recours pour invalider votre amendement qui, en tout état de cause, repose sur de la méconnaissance et de la confusion caractérisées.

Mais comprenez bien, cher monsieur, que votre petite action ne nous déstabilise pas, au contraire, elle renforce notre conviction et notre grande envie de changement. Nous allons continuer à créer des brèches d’espoir, continuer à intensifier le tissu social nécessaire à une véritable transition, continuer à expérimenter concrètement le monde que nous voulons voir advenir demain, continuer à redonner l’espérance d’une démarche citoyenne de ré-appropriation des biens communs de l’humanité, à l’instar de ce qui est en train d’être fait sur notre territoire sur la question de l’eau, notamment grâce à l’action de l’association Eau Bien Commun Ouche & Montagne. Que vous le vouliez ou pas, Mr Streibig, le mouvement est lancé.

Avec nos salutations,

Le collectif de l’association RISOMES

Le mercredi 17 avril 2019 à Mâlain

L’article du Bien Public en date du 19 avril